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Le blog du Shadokk !!!
22 août 2005

Pour toute l'eau du monde. de Jacques Attali

Il faudrait considérer l'eau comme un droit fondamental. Ni enjeu du marché ni propriété des Etats

Jour après jour, crise après crise, les Français, les Européens, les Américains, se rendent compte que les problèmes qui les préoccupent sont aussi ceux de l'humanité tout entière; et qu'ils ne pourront trouver de réponse à leurs propres ennuis quotidiens que dans un cadre planétaire. Ces crises, ces prises de conscience, conduiront soit à la bunkerisation, mortelle, de l'Occident, soit à la naissance, progressive, d'un gouvernement mondial.


Le cas de l'eau est particulièrement éclairant. L'humanité ne manque pas d'eau. Elle manque d'eau potable. Parce que trop d'eau est gaspillée dans une irrigation inutile ou souillée par des rejets urbains désordonnés. Aujourd'hui, 20% de la population mondiale n'a pas du tout accès à l'eau potable. Plus de 200 millions de personnes contractent chaque année le choléra après avoir absorbé de l'eau contaminée. Le réchauffement mondial commence à bouleverser le régime des pluies et à créer les conditions d'une sécheresse qui rend l'eau rare même en Europe, continent jusqu'alors épargné. Et la croissance de la population mondiale, en même temps que sa concentration dans les villes, va bientôt rendre le problème plus démesuré encore: dans quarante ans, si on ne veut pas que la quantité d'eau disponible par être humain soit divisée par trois, il faudra réussir à fournir de l'eau potable à 4 milliards de citadins de plus qu'aujourd'hui.


Pour y parvenir, il faudrait être capable d'abreuver 270 000 personnes supplémentaires chaque jour et d'améliorer la qualité de l'eau consommée par 340 000 autres. Cela supposerait d'y consacrer chaque année 100 milliards de dollars de plus, soit 2 ‰de la richesse mondiale annuelle. Cela n'est pas démesuré. Mais ni le secteur privé, ni les Etats ne sont capables de penser à un tel effort. Ni en termes financiers ni, surtout, en termes d'organisation.


Il faudrait en effet pour y parvenir changer radicalement d'attitude par rapport à l'eau. La considérer comme un droit fondamental, aussi important que l'air ou la liberté, comme un bien essentiel, qui ne saurait être un enjeu du marché ni la propriété des Etats. La nationalisation ne peut être une solution; en faire un bien mondial est certainement une piste. Une Agence mondiale de l'eau devra bientôt naître, avec des pouvoirs supranationaux très importants. Au-delà de la propriété des réserves, cette agence devra repenser radicalement les conditions de l'irrigation des campagnes et de l'assainissement des villes.


Plus généralement, l'humanité devra être capable de consacrer aux biens essentiels, comme l'eau et l'air, une part nettement plus grande des ressources qu'elle produit. De dépenser beaucoup plus pour la vie que pour la mort. Sinon, son sort est réglé d'avance: les armes achetées avec l'argent qui aurait dû être utilisé pour régler le problème de l'eau serviront aux hommes à s'entre-tuer pour les dernières gouttes disponibles.

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