Un nouveau scénario catastrophe pour les océans - Courrier International - 25 aout 2005
Le réchauffement
climatique n’a pas pour seule conséquence la montée du niveau des
océans. Une autre est la mise en péril des écosystèmes qui s’y sont
développés, et ce pour au moins deux raisons. La première est que les
océans captent et dissolvent une partie importante du CO2
atmosphérique. Le gaz se transforme alors en acide carbonique. Avec
l’augmentation continue des quantités atmosphériques de CO2, de plus en
plus de gaz se dissout dans la mer. Selon une étude de la Royal Society
britannique, ce phénomène pourrait augmenter l’acidité des océans de
0,5 unité pH (l’unité utilisée pour mesurer cette acidité) “Une telle modification perturberait les équilibres chimiques de l’océan et anéantirait une partie de la vie marine”, prévient le magazine Nature. L’auteur de l’étude – John Raven, de l’université de Dundee – nous met en garde : il faut gérer le problème à sa source car “nous n’aurons aucun moyen de retirer ce CO2 de l’océan. La nature aura besoin de milliers d’années pour l’éliminer.” Les conséquences de cette acidification sur les écosystèmes sont encore très mal connues, mais “la
variation du pH signifie que vers 2100 le processus de calcification
pourrait devenir extrêmement difficile [pour le plancton]”, peut-on lire dans Nature.
Pour y voir plus clair, le magazine Science News rapporte
deux études préliminaires. La première, de Chris Langdon, de
l’université de Miami, montre que l’acidification induit un
ralentissement de la croissance des coraux. La seconde, de Victoria
Fabry, de la California State University, montre que le squelette de
certains organismes qui forment le plancton devient plus petit et mal
formé. Or le plancton constitue la source de la quasi-totalité des
écosystèmes marins. Sa disparition ou sa transformation auraient
probablement des conséquences dramatiques.
Le réchauffement des océans pourrait avoir encore une autre
conséquence : celle de libérer des quantités énormes de méthane. En
effet, le CO2, n’est pas le seul gaz à effet de serre capté dans la
mer. Le méthane est également présent ; il se solidifie au fond des
mers pour former une sorte de glace – les hydrates de méthane. Les
quantités en jeu sont énormes : elles pourraient atteindre trois mille
fois celles présentes dans l’atmosphère. Or ces hydrates sont instables
: si la température de l’eau augmente, les océans pourraient libérer ce
gaz, qui exerce un effet de serre vingt fois plus puissant que le CO2.
Ce serait alors le début d’un scénario catastrophe encore plus noir que
les hypothèses actuelles sur le réchauffement (voir CI n° 728, du 14 octobre 2004). Des chercheurs américains qui ont analysé récemment dans le magazine Science l’un de ces événements – appelés “rots de méthane” (methane burps)
– survenu il y a cinquante-cinq millions d’années affirment qu’il
produisit une augmentation de la température moyenne de 8 °C. Environ
deux cents millions d’années auparavant, un autre rot de méthane avait
éliminé 94 % des espèces marines